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Episode #1:

Josselyn Montiel ou l'avenir du sport équatorien ?

Publié le 13 avril 2015

 

Alors que le gouvernement équatorien de Rafael Correa annonçait des coupes budgétaires en mars dernier, mettant ainsi fin à sa grande politique d’investissement en matière de santé et d’éducation, le monde sportif ne peut plus compter sur l'aide du gouvernement pour se développer : entre annulations des bourses sportives, réductions des subventions aux centres d’entraînement et corruption grandissante au sein même des fédérations sportives, il n’est pas surprenant que les sportifs équatoriens aillent chercher hors de leur pays d'origine les infrastructures et le soutien dont ils auraient besoin.

 

Nous avons rencontré Josselyn Montiel, une jeune coureuse de 400 mètres haies, âgée de tout juste 16 ans et déjà médaillée de bronze au dernier championnat sud-américain de Cali dans la catégorie junior, afin de mieux comprendre le fonctionnement du sport de haut niveau en Equateur, ses problématiques et ses enjeux.

Comme la plupart des jeunes de son pays, Josselyn n'a jamais pratiqué de sport en compétition dans son enfance, d'une part parce qu'il y a très peu de clubs de sport et d'autre part parce que le sport coûte cher et les parents préfèrent investir dans l'éducation. Elle a débuté l'athlétisme par hasard à 14 ans à la mort de son cousin qui était lui-même athlète de haut niveau. 

Josselyn a eu la chance de pouvoir rejoindre le centre d'entraînement de Pichincha à Quito qui est l'un des meilleurs du pays en tant que pensionnaire après avoir passé une série de tests physiques. Ses parents n’auraient absolument pas été en mesure de financer la pratique sportive de leur fille et sa vie à la résidence. Josselyn reçoit une bourse de la part de la fédération d’athlétisme et du centre d’entraînement. Elle quitte donc le foyer familial et intègre le centre en novembre 2013. Elle obtient en plus de la part du gouvernement une bourse de 80 dollars par an pour pouvoir rendre visite à sa famille qui vit à 3 heures au nord de la capitale.

 

Même si elle a la chance de disposer d'infrastructures d'une qualité supérieure à la plupart de celles du pays, il n'en reste pas moins qu'elles sont loins d'être optimales et de permettre aux athlètes équatoriens de s'entraîner dans des conditions identiques à ceux des pays développés. Et cela se ressent dans les résultats : 36 participants aux Jeux Olympiques de Londres en 2012, zéro médaille et un seul médaillé olympique dans l'histoire de l'Equateur.

Avant tout, dans une ville aussi humide que Quito où il pleut très souvent, le fait de n'avoir aucune installation couverte permettant aux sportifs de s'entraîner quelles que soient les conditions climatiques, est extrêmement préjudiciable. D'autre part, la salle de musculation qui fait partie intégrante de l'entraînement des athlètes est dans un état de vétusté avancé et les sportifs s'y entraînent dans des conditions de sécurité limitées.

 

 

Salle de musculation du centre d'entraînement de Pichincha 

Si le gouvernement a pendant un temps voulu mettre en place un plan d’investissement sportif afin de développer les infrastructures et impulser une dynamique sportive, ce n’est plus sa priorité aujourd’hui. Entre manque de ressources financières et corruption, les sportifs sont souvent les derniers à bénéficier des ressources publiques. A titre d'exemple, les ministres ne manquent pas d'être présents lors des compétitions sportives importantes, alors que de nombreux sportifs prometteurs équatoriens n'ont pas les moyens de s'y rendre et de participer ou dans de très mauvaises conditions.

 

Au-delà du manque d’infrastructures, c’est également l’absence totale de contrat de sponsoring entre sportifs et entreprises qui pose problème. L'exemple de Josselyn est significatif : elle ne dispose d'aucune aide financière ou en nature de la part d'entreprises bien qu'elle soit la meilleure de sa catégorie au niveau national.

 

Pourquoi les entreprises se refusent-elle une manière si simple de communiquer et de promouvoir leur marque ?

 

C’est la première question que nous nous sommes posée et la réponse est en fait simple.

Le sport en Equateur n’étant absolument pas médiatisé, mis à part le football, les entreprises nationales ne voient pas les sportifs comme un levier de communication et un outil publicitaire. De plus, celles-ci n’ont souvent pas les moyens de mettre en place le dispositif médiatique nécessaire qui leur permettrait de potentielles retombées positives. Quant aux multinationales, elles ne sont présentes en Equateur que par l’intermédiaire de revendeurs.

 

Sans le soutien financier et matériel de sponsors, il est donc particulièrement difficile d’être sportif en 

Equateur à moins de pouvoir bénéficier du soutien financier de sa famille. Et les difficultés commencent dès l'achat de l'équipement : dans un pays où le salaire mensuel moyen est de 300 dollars, le simple investissement dans des chaussures de running de qualité peut représenter la moitié d'un salaire car ce sont des produits chers, issus de l'importation. Issue d'une famille équatorienne très modeste, Josselyn s'entraîne donc depuis deux ans avec la même paire de chaussures et de crampons, qu'elle utilise tous les jours à l'entraînement et en compétition.

 

Dans ces conditions, on comprend mieux le nombre très réduit de sportifs qui parviennent à atteindre le haut niveau en Equateur. Les rares qui arrivent à percer finissent par partir à l’étranger pour s'entraîner dans de meilleures conditions et profiter d'une situation économique plus favorable au sport. Cette fuite des meilleurs sportifs est un réel problème et engendre un cercle vicieux puisqu'elle empêche la transmission de savoirs et l’échange de bonnes pratiques. En effet, dans le cas de Josselyn, elle est déjà aujourd’hui la meilleure de sa catégorie et afin de progresser la seule option pour elle est d’aller s’entraîner à l’extérieur, et de se confronter à des sportifs de son niveau.

 

Cela a bien entendu un coût et, seule, il lui est difficile de parvenir à décrocher de telles opportunités. C’est pour cela que l’association OuiSport a voulu miser sur elle en contactant des fédérations et entreprises ici en France afin de donner une chance à cette jeune sportive prometteuse à qui son pays ne donnera pas les clés pour réussir.

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